Les controverses sont utiles, mais à condition de s’appuyer sur des réalités.
L’auteur de l’article de Contrepoints« Lundi Vert » : et si c’était une grosse erreur ? (www.contrepoints.org/2019/01/07/310172-steak-plat-de-lentilles),vétérinaire, auteur du « Blues du carnivore »,devrait mieux se renseigner avant de se positionner.
Grosses erreurs il y a. Il affirme pour commencer « La viande était en pratique la principale source de protéines jusqu’à l’invention de l’agriculture il y a 10 000 ans ». Une croyance véhiculée par les partisans du régime dit « paléolithique ». Mais les scientifiques ne sont pas d’accord, sauf pour Néandertal qui était en effet surtout carnivore. Les autres hominidés dont on a étudié le tartre dentaire et analysé les tissus osseux avaient une alimentation beaucoup plus variée et beaucoup plus végétale que pensé jusqu’alors. Suite à l’analyse isotopique d’os d’Homo habilis datant de 2,5 millions d’années, trouvés sur le site de Sterkfontein en Afrique du Sud, des chercheurs ont même trouvé la preuve qu’ils consommaient déjà quotidiennement un pain cuit au soleil fabriqué à partir d’un ancêtre du blé. Et Néandertal, le plus grand carnivore de tous nos prédécesseurs, consommait des légumes, des racines, des grains d’amidon, qu’il cuisait.
Le tableau placé en illustration montre que la viande n’a dominé l’alimentation des hominidés que chez Néandertal.
source : www.hominides.com/html/dossiers/alimentation-prehistoire-nutrition-prehistorique.php
Néandertal mangeait aussi des végétauxwww.hominides.com/html/actualites/neandertal-alimentation-vegetaux-cuisson-0380.php
Une autre grosse erreur. Monsieur Silberzahn affirme que « pour un apport protéique équivalent à celui d’un steak de 150 g, il faudrait… ingérer… 500 g de lentilles cuites ! Nous ne sommes pas capables d’ingérer, et de façon répétée, une telle quantité (énorme volume) et notre système digestif est, lui, incapable de la digérer », un argument repris par d’autres polémistes.
Mais le calcul est faux. Le steak contient 20 g de protéines pour 100 g, les lentilles cuites 9 g. Il suffit donc de 230 g de lentilles pour avoir la même quantité de protéines.
Par contre ces protéines ne sont pas aussi complètes que celles de la viande, du poisson ou du blanc d’œuf, elles sont plus pauvres en acides aminés soufrés, et il faut, comme l’ont fait pendant des millénaires les civilisations sur tous les continents, associer une légumineuse et une céréale, comme couscous-pois chiche au Maghreb, galette de maïs-haricots rouges en Amérique Centrale et du Sud, comme riz-soja en Asie. Ceci dit le soja est aussi complet que la viande et c’est une légumineuse qui contient jusqu’à 38% de protéines, c’est-à-dire presque deux fois plus que la viande, le tofu et le tempeh autour de 20% sont équivalents en teneur protéique à la viande et le lupin, de plus en plus présent sur nos marchés, encore plus jusqu’à 26% cuits. Quinoa, graines de chia et amarante sont aussi complets.
Donc vous n’avez pas tort, Monsieur Silberzahn, quand vous dites que « les lentilles ne peuvent … (quantitativement – si), qualitativement remplacer la viande ». Mais il n’en n’a jamais été question. Tous les nutritionnistes ont toujours bien spécifié qu’elles doivent être associées à des céréales ou à des oléagineux.
Il faut aussi replacer cette discussion dans le cadre de la constatation que nos sociétés occidentales consomment globalement beaucoup trop de protéines, puisque la recommandation de l’OMS est de 0,87 g par kilo et par jour et que nous en consommons en moyenne 1,46 g par kilo et par jour. Aussi à la lumière des études, comme l’étude National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) III, qui montrent que les personnes qui ont des apports plus faibles en protéines bénéficient d’une réduction tout à fait significative de leur mortalité.
Chez 6381 personnes suivies pendant 18 ans, celles qui consommaient le plus de protéines ont subi une augmentation de mortalité de toutes causes de 74%, par cancers de 333%, par rapport à celles qui en consommaient le moins. Cet effet est marquant pour les personnes de moins de 65 ans, mais plus pour les personnes de plus de 65 ans.
Les protéines végétales sont aussi sources de fibres favorables à notre flore digestive, de polyphénols, de magnésium et de vitamines B protectrices.
Par ailleurs, le système digestif de milliards de personnes a très bien géré les protéines végétales, les protéines animales étant plus rares, et consommées de façon ponctuelles. Et aujourd’hui encore les populations rurales, par exemple aux Indes et en Chine, vivent d’une alimentation à dominante largement végétale. Par ailleurs dans les régions où les populations vivent le plus longtemps en bonne santé au monde, appelées « zones bleues » par le démographe Michel Poulain, on retrouve cette forte dominante végétale, et une consommation minimale de protéines animales.
L’avantage de donner plus de place aux légumineuses, recommandée donc maintenant officiellement en France par l’ANSES, mais aussi par les agences de nombreux pays comme le Canada, agence qui vient de plus de recommander de consommer moins de produits laitiers, mais aussi aux autres végétaux c’est, sur le plan santé, de se faire plaisir avec des aliments qui contribuent à notre santé. Le nouveau guide alimentaire de Santé Canada, qui pour la première fois a été élaboré sans le concours des lobbys agro-alimentaires, propose de pouvoir remplacer une portion de viande, par des légumineuses, du soja ou des oléagineux.
www.lapresse.ca/actualites/sante/201901/04/01-5209908-les-produits-laitiers-largement-ecartes-du-nouveau-guide-alimentaire.php
En effet les viandes s’avèrent être les aliments les plus inflammatoires connus. Pourquoi ? Parce que les viandes qu’elles soient bio ou industrielles sont riches en fer, un puissant catalyseur d’oxydation, ce qui n’est un avantage que pour des population et périodes limitées (grossesse, forte croissance) et devient un désavantage pour les autres. Elles sont par ailleurs riches en de très nombreux autres très puissants facteurs d’inflammation (et donc de risque de très nombreuses maladies) : un acide gras appelé acide arachidonique, un acide aminé (briquette des protéines), la leucine qui active de nombreux gènes déclencheurs d’inflammation et beaucoup de bactéries, qui même après cuisson libèrent des endotoxines extrêmement agressives.
C’est une des raisons principales pour lesquelles des milliers d’études observent que plus la consommation de viande est élevée, plus on subit de diabète, de maladies cardiovasculaires, de maladies neuro-dégénératives comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Les consommateurs de viandes font de 2 à 3 fois plus de maladies d’Alzheimer que les végétariens. La dernière synthèse réalisée en 2016 par leNutrition and Health Research Center de San Francisco, à partir des études réalisées dans 10 pays conclut que la consommation de viandes est le facteur le plus puissant associé au risque de maladie d’Alzheimer… Une synthèse de 6 études publiée dans la revue de référence American Journal of Clinical Nutritionconclut à une longévité moyenne des végétariens (et petits mangeurs de viande) augmentée de 3,6 ans.
On croyait pourtant que manger protéiné aide à réduire les risques de surpoids. Mais les études montrent le contraire : plus la consommation de viande est élevée plus le risque de surpoids est augmenté. Dans la grande étude EPIC-PANACEA sur 103 455 hommes et 270 348 femmes suivis dans 10 pays européens, pour chaque augmentation de consommation de 250 g de viande par jour, on enregistre un gain de poids de 2 kg par 5 ans. Pourquoi ? Parce que, comme l’a découvert en France le Pr Karine Clément, le surpoids est une maladie inflammatoire, associée à une altération de la flore digestive. Or, ce régime carné, aggrave l’altération, qui devient, elle aussi, inflammatoire. Les bactéries pathogènes utilisent le fer comme facteur de croissance.
Et, bien sûr, nous avons été alertés par le CIRC, l’organe de recherche de l’Organisation Mondiale de la Santésur les cancers, sur l’augmentation des risques de cancers du colon avec la consommation de viande. Mais ce que montre la synthèse des études est que ce sont les risques de tous les cancers qui sont plus élevés. La consommation d’une portion de viande rouge par jour augmente le risque de 10% de la mortalité par tout cancer, et celle d’une viande transformée comme les charcuteries l’augmente de 16%. La consommation de viande accroît les risques de cancers du sein et de la prostate.
Par contre, ce qui est vrai est que les végétaux ne contiennent pas de vitamine B12 et que certains de leurs minéraux comme le fer et le zinc sont mal absorbés, contrairement à ceux de la viande qui peut donc être plus utile pour les populations qui ont des besoins importants dans ces minéraux comme les femmes enceintes et les enfants ou adolescents en forte croissance.
Aussi, nous sommes fortement menacés de perdre le confort d’un climat clément par le réchauffement climatique. Or, les élevages intensifs sont responsables de plus de 80% de la déforestation en Amérique Latine. Nous importons en effet des millions de tonnes de soja OGM arrosé de glyphosate pour nourrir des animaux dont le mode de vie concentrationnaire les rend infirmes, malades, immuno-déprimés. Ceci oblige à leur administrer des antibiotiques en prévention. Mais cela non seulement n’empêche pas les infections puisque 88,7% des carcasses analysées dans les abattoirs sont porteuses de bactéries pathogènes, mais provoque des résistances aux antibiotiques.
61% des viandes vendues sur le marché en sont porteuses. 1 français sur 15 en héberge, du coup, dans ses intestins. Si cette personne subit une grande fatigue ou un grand stress, elle peut en mourir. C’est ce qui est arrivé en 2015 à 13 600 français.
Vous me direz, mais une fois les viandes cuites, ces bactéries sont tuées. D’abord pas toutes, mais le simple fait d’avoir touché le poulet avant cuisson transmet ces bactéries aux mains, aux instruments de cuisine, à la table de travail et il a été démontré que des précautions dignes d’une salle d’opération chirurgicale ne suffit pas à annuler leur propagation. Et une fois tuées par la cuisson, les endotoxines libérées endommagent la muqueuse digestive, passent dans le sang et propagent une vague d’inflammation dans le corps entier.
En conclusion, adhérer au Lundi Vert(www.lundi-vert), mieux choisir aussi pendant la semaine ses protéines animales, cesser d’acheter de l’industriel, préférer la qualité, bio ou de terroir, à la quantité, les consommer à midi plutôt que le soir où elles altèrent les capacités de réparation pendant le sommeil, est un des plus beaux cadeaux que nous puissions faire à notre corps, à notre environnement, à nos cousins animaux. Monsieur Silberzahn, ce serait une grosse erreur de ne pas se l’offrir. Sortez donc du « blues du carnivore ». Évoluez en omnivore flexitarien, – « intelligent » selon Emmanuel Macron -, en effet comme, les ours, les primates et les humains, beaucoup mieux capables de s’adapter que les herbivores et carnivores exclusifs.
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