Le sentiment de sécurité, la confiance en soi, la liberté d’affronter l’inconnu, de découvrir, de créer, la capacité d’aimer… trouvent leur premiers fondements dans la vie in utero et dans la relation périnatale aux parents, surtout via l’allaitement.
Or, on vient de découvrir que de nombreux facteurs très banaux comme le stress, des variations hormonales, les déséquilibres alimentaires, la pollution peuvent toucher le fœtus, et ceci de manière durable, et même transmissible via l’épigénétique.
Des modifications de méthylation de gènes liés au stress apparaissent chez des enfants de mères stressées in utero, comme l’a démontré une équipe de l’Université de Genève.
Outre l’optimisation des conditions de déroulement de la grossesse, en particulier par une médecine préconceptionnelle, l’accompagnement nutritionnel et psychologique des femmes enceintes, la supplémentation en particulier en magnésium, l’haptonomie, etc… et l’optimisation des conditions de l’accouchement, qui ont beaucoup évolué grâce au mouvement de « la naissance sans violence », il serait souhaitable d’investir beaucoup plus d’attention à l’allaitement.
Les enfants qui n’ont pas bénéficié de contacts physiques prolongés et d’une attention affective suffisante sont à risque d’un trouble encore ignoré par le public et même la majorité des praticiens de santé concernés, l’« attachment disorder », un défaut d’élaboration des circuits neuronaux impliqués dans l’affection.
Des cas extrêmes décrits, en particulier dans les orphelinats roumains, ont entraîné :
* des arrêts de croissance
* des retards de développement global
* une immaturité prolongée
* une incapacité d’aimer
* une vulnérabilité très augmentée aux dépendances de tous types (sucré, tabac, alcool, drogues, sexe, relations/bandes)
* des comportements hyper-violents
* un risque de suicide augmenté.
On retrouve de tels passifs dans la majorité de la population pénitentiaire et dans le passé des serial killers.
Si ces cas extrêmes existent dans des conditions particulières, on peut constater qu’à des degrés plus faibles ils touchent des fractions importantes de la population (délinquants, criminels) et par touches une majorité de la population, qui peut être affectée à des degrés divers par des carences de développement affectif et des risques de comportement de fuite ou d’agressivité dans des situations de stress.
Quelques propositions :
– promouvoir avec beaucoup plus d’énergie l’allaitement à tous les niveaux et dès l’école (c’est « une culture », par exemple l’Islande célèbre chaque année une Journée de l’Allaitement ; les femmes allaitent ce jour là en public
– encourager une durée beaucoup plus longue de l’allaitement, l’optimum étant de 2 à 4 ans, en se servant de la possibilité de tirer son lait afin de permettre la reprise du travail et en diversifiant l’alimentation, bien sûr, à partir du 5ème mois
– faire savoir que, contrairement aux a priori, il n’y a pas de risque de retard du développement ; les enfants allaités de manière prolongée présentent un développement cérébral et un QI supérieur, une affirmation d’eux mêmes et une autonomie plus précoce. Plus le sentiment de sécurité est élevé, plus la capacité de s’éloigner du connu est augmentée.
Il existe un besoin de nourriture sensorielle et affective qui est aussi important que les nourritures solides et liquides (« pulsion de contact » de Léopold Szondi)
– lorsque le biberon est donné il doit être donné en contact avec la peau, comme dans une situation d’allaitement ; quand ce n’est pas fait, la majeure partie de la « nourriture » sensorielle et affective fait défaut
– autres « nourritures sensorielles et affectives » : écoutes/échanges (depuis Françoise Dolto, on sait que le bébé a besoin de conversations), câlins avec adultes (le « tabou » de l’enfant qui ne devrait pas dormir dans le même lit que les autres enfants ou les parents est à revoir), autres enfants (si la sexualité des enfants est encore un sujet de controverse, leurs besoins « mammifères » de contact (tactiles/olfactifs en particulier, sont encore massivement négligés), massages, bains (la participation aux bébés nageurs est fortement recommandée, le contact avec l’eau prolongé in utero étant fortement « endorphinisé »). Aujourd’hui, dans nos sociétés, les enfants ne crèvent pas de faim, mais de carences affectives.
– la diversification alimentaire ne doit pas s’accompagner d’un sevrage brutal. Le sevrage peut advenir non seulement beaucoup plus tard, mais de manière progressive, sans violence, et en conservant l’accès au sein et le contact physique, même s’il n’a plus de fonction nutritive
– relancer le métier de nourrice (dans des pays comme Madagascar, il était de tradition et il en reste quelques unes, que des femmes, après le sevrage de leurs enfants, conservent tant qu’elles le peuvent leur production de lait, en particulier au profit des orphelins…( j’ai rencontré une de ces « grands-mères » allaitantes, très respectée)
– créer le métier de « nourrice affective », qui donne un accès au sein même si elle n’est pas allaitante, câline, masse, donne des bains…, en particulier pour les parents qui travaillent, tout en privilégiant aussi des moments d’autonomie (il ne s’agit pas de « couver » l’enfant toute la journée, au contraire) et des moments de socialisation (autres enfants, crèche, maternelle, activités….)
– les femmes qui continuent de produire du lait peuvent donner leur lait aux lactariums, au profit des enfants orphelins, adoptés ou de mères qui ne peuvent ou ne veulent pas, pour quelle que raison que ce soit, allaiter de manière prolongée – il reste un travail considérable à réaliser pour faciliter le don aux lactariums, dont l’inaccessibilité est à l’heure actuelle complètement dissuasive
– le traitement le plus efficace de l’ »attachment disorder » est une période de 6 mois (pour les cas graves) de « régression » avec recréation des stades premiers du lien (« bonding ») par un contact physique permanent entre la mère (ou un substitut) et l’enfant, des massages, des bains ; de telles cures de régression, plus courtes, en cadre de cures thermales spécialisées, au cadre adapté (formes rondes, fourrures, absence de bruits et de stress) seraient souhaitables pour la plupart des enfants et adultes qui ont été élevés sans l’assurance de ce lien intime, intense et prolongé, base de la construction de la personnalité.
Pour en savoir plus :
La Leche League https://sites.google.com/a/lalecheleague.fr/reseau-pour-l-allaitement/
John Bowlby http://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_de_l’attachement
Léopold Szondi http://books.google.fr/books?id=Tc-bFIlgmv0C&pg=PA56&lpg=PA56&dq=szondi+pulsion+de+contact&source=bl&ots=lNiaPQqPxq&sig=wfQIRJO8h_UnvwVkVnKI49NZF7E&hl=fr&sa=X&ei=HDHdUqLIF8vOkQer7YGYCw&ved=0CDIQ6AEwAA#v=onepage&q=szondi%20pulsion%20de%20contact&f=false
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