Quand la graisse brûle du muscle

Le muscle peut brûler de la graisse si l’activité physique est suffisamment intense, évidemment. D’où la place incontournable de leur intensification à contre-courant de la sédentarité rampante à laquelle nous mène les modes de vie actuels.

Mais, le contraire ? La graisse serait-elle capable de brûler du muscle ?

C’est plutôt contre-intuitif ! et c’est pourtant une des plus grandes percées réalisées dans les recherches sur le surpoids ces dernières années.

Comment est-ce possible ?

En 2004, l’équipe du professeur Karine Clément (équipe Inserm de l’Hôtel Dieu à Paris) avait révélé le caractère inflammatoire de l’obésité.

Les chercheurs ont pu constater que lorsque l’on accumule plus de graisses dans le tissu adipeux qu’une réaction immunitaire se produit. Les globules blancs sont attirés comme s’il était un corps étranger et ils s’activent en libérant des messagers, les mêmes que face à des virus ou des bactéries, afin de mobiliser les autres globules blancs.

C’est ce qu’on appelle une inflammation.

Le surpoids est une pathologie inflammatoire. Cette nouvelle vision a révolutionné la compréhension du surpoids, mais n’a pas été malheureusement accompagnée des mesures pratiques appropriées.

Car l’inflammation n’est pas seulement localisée au tissu adipeux infiltré par les globules blancs. Les messagers sécrétés par les globules blancs entraînent une inflammation de l’organisme entier, ce qui se reflète par l’élévation de marqueurs inflammatoires comme la CRP (C réactive-protéine).

Cette inflammation est un des moteurs qui mène au diabète et aux maladies cardiovasculaires. En effet les récepteurs à l’insuline endommagés ne répondent plus correctement au signal insuline. Et les lipides modifiés par l’oxydation restent bloqués dans les artères (se reporter aux DSN « Cholestérol : l’embrouille du siècle « et  « Cholestérol : le protocole pour sortir des statines »).

Mais parmi les messagers envoyés par les globules s’en trouve un le TNF alpha alpha (anciennement appelé « cachectine » car c’est lui qui rend étiolés les sidéens et cancéreux), dont le rôle est de détricoter du muscle afin de libérer un acide aminé (composant de base des protéines), la glutamine, qui est le carburant privilégié des globules blancs.

De ce fait le tissu adipeux brûle bien du muscle.

Résultat des courses : plus on prend du poids, plus on perd du muscle, la masse qui dépense, et moins on est capable de reperdre son surpoids !

Au-delà du caractère sensationnel de la découverte, les nutritionnistes n’ont pas intégré les conséquences pratiques qui s’imposent : on ne peut pas sortir du surpoids sans casser le cercle vicieux de l’inflammation !

Nous verrons bien sûr qu’au lieu de prendre des médicaments anti-inflammatoires, il est nettement plus efficace et durable de s’approprier une alimentation anti-inflammatoire, de rééquilibrer sa flore digestive qui contribue à l’inflammation et de réduire les charges toxiques, elles aussi inflammatoires.

Par ailleurs la lutte contre l’inflammation dans le surpoids est d’autant plus importante qu’avec le temps l’inflammation tourne à la fibrose (comme la stéatose du foie devient cirrhose), ce qui rend l’accumulation de graisses irréversible.

Pour en savoir plus sur inflammation et surpoids :

www.futura-sciences.com/magazines/sante/infos/actu/d/medecine-obesite-affaire-inflammation-31474/

Vgontzas AN et al, Chronic systemic inflammation in overweight  and obese adults, JAMA, 2000, 283 : 2235

La flore

Une autre percée majeure est la découverte que les personnes en surpoids ont une flore digestive anormale et que perturber la flore contribue au surpoids.

La diversité de la flore chez les personnes en surpoids est globalement réduite.

Des espèces, productrices de butyrate, dont l’activité est puissamment anti-inflammatoire, comme faecalibacterium prausnitizii et akkermansia muciniphila – ce qui veut dire que cette dernière se nourrit de mucus – manquent.

Inversement, les populations qui ont une flore à diversité réduite (23% de la population) ont une incidence de surpoids nettement plus élevée.

Les bactéries de la famille firmicutes (une famille favorisée par une alimentation riche en protéines animales) sont en nombre très élevé chez les obèses, environ 100 fois plus que celles de la famille bactéroidetes.

Plusieurs mécanismes ont donc été identifiés.

Une flore déséquilibrée est pro-inflammatoire.

Certaines bactéries favorisent la captation de graisses par le tissu adipeux.

D’autres bactéries qui manquent en cas de surpoids, auraient du sécréter des molécules protectrices comme le butyrate ou le propionate qui réduit l’appétit et ralentit la vidange gastrique. Lorsque la vidange gastrique est ralentie les sucres passent moins vite dans le sang et l’insuline s’élève moins. Or, nous l’avons vu, l’insuline stimule le stockage des graisses dans le tissu adipeux.

Mais aussi, une flore déséquilibrée a des impacts cérébraux (« le ventre deuxième cerveau ») sur la vulnérabilité au stress, sur le contrôle pulsionnel et sur l’humeur, ce qui favorise des comportements compensatoires contribuant au surpoids.

Pour en savoir plus sur microbiote et surpoids :

www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-obesite-la-flore-intestinale-mise-en-cause-33657.php

F Tsai et al, The microbiome and obesity : is obesity linked to our gut flora? Current Gastroenterology Reports, 2009, 11 (4) : 307-313

Turnbaugh PJ et al, An obesity-associated gut microbiome with increased capacity for energy harvest, Nature, 2006, 444 (7122) : 1027-31

Santacruz A et al, Gut microbiota composition is associated with body weight, weight gain and biochemical parameters in pregnant women, Br J Nutr, 2010, 104 (1) : 83-92

Obésogènes

Troisième percée très importante : suite à l’hypothèse émise en 2002 par la chercheuse Paula Baillie-Hamilton, une avalanche d’études – près de 250 – confirment à ce jour massivement que l’exposition à des polluants, en particulier perturbateurs endocriniens – sont des facteurs majeurs et de surpoids et de diabète, officiellement entrés dans la liste des 10 premiers facteurs de l’explosion épidémique qui affecte nos sociétés.

Ils sont de ce fait qualifiés d’« obésogènes ».

Chez 2016 personnes, celles qui ont les taux sanguins les plus élevés de 6 perturbateurs endocriniens ont un risque de diabète multiplié par 37,7.

D’où viennent ces perturbateurs endocriniens ?

Des emballages plastiques alimentaires, surtout ceux dans lesquels se trouvent des produits gras : huiles, sauces, margarines, plats préparés ; des barquettes plastiques réchauffées au four à micro-ondes ; des poissons gras ; des viandes ; des produits laitiers surtout non bio ;  des détergents, produits ménagers, désodorisants ; de la pollution aérienne extérieure et intérieure où ils sont concentrés dans les poussières; de médicaments et cosmétiques et de leurs excipients comme  parabènes, toluène, xylène…

Quand commence l’exposition ?

Dès la vie in utero où ils passent de la mère exposée chez l’enfant, puis via le lait maternel, puis via l’alimentation et l’environnement de l’enfant.

Pour en savoir plus sur les perturbateurs endocriniens obésogènes :

www.chemtrust.org.uk/wp-content/uploads/CHEM-Trust-Obesity-Diabetes-Full-Report.pdf

F Grun et al, Environmental obesogens : organotins and endocrine disruption via nuclear receptor signaling, Endocrinology, 2006,147 (6 – Suppl):-50,

P Rantakokko et al, Dietary intake of organotin compounds in Finland : a market-basket study, Food Addit Contam, 2006, 23 (8) : 749-756,

H Wu et al, Persistent organic pollutants and type 2 diabetes :  a prospective analysis in the nurses’ health study and meta-analysis, Environ Health Perspect, 2013 121(2):153 – 161.

WJ Crinnion, The role of persistent organic pollutants in the worldwide epidemic of type 2 diabetes mellitus and the possible connection to Farmed Atlantic Salmon (Salmo salar), Altern Med Res, 2011,16 (4) : 301 – 313.

DK Lee et al, Polychlorinated Biphenyls and Organochlorine Pesticides in Plasma Predict Development of Type 2 Diabetes in the Elderly, Diabetes Care, 2011, 34 (8) :1778-1784.

J Ruzzin, Public health concern behind the exposure to persistent organic pollutants and the risk of metabolic diseases, BMC Public Health, 2012, 12 : 298.

J Ruzzin et al,  Reconsidering metabolic diseases : the impacts of persistent organic pollutants, Atherosclerosis, 2012, 224 (1) : 1 – 3.DH Lee, A strong dose-response relation between serum concentrations of persistent organic pollutants and diabetes : Results from the National Health and Nutrition Examination Survey 1999-2002, Diabetes Care, 2006, 29 (11) :1638 –1644.

 

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